Témoin de la Qualité : Marie-Hélène MORVAN

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Mercredi 15 juin 2022

Marie-Hélène MORVAN est Présidente de l’association #Sobériser, Associée fondatrice et VP Impact de la startup N01ZET. Son ouvrage #Sobériser a remporté le Prix du Livre Qualité Performance 2019.

France Qualité : Quels sont pour vous les principales évolutions ou évènements qui ont marqué la Qualité et les démarches de progrès ces quinze dernières années ? 
Je regarderai si vous le permettez la Qualité sous un angle particulier, qui m’est cher : celui de sa contribution à la transition vers un monde durable. Les démarches Qualité ont de mon point de vue un apport fondamental aux nécessaires transformations des modèles de production et d’organisation qui, malgré de timides remises en cause et l’apport d’innovations technologiques ou méthodologiques, restent clairement aujourd’hui non durables.
Nos productions sont encore essentiellement inscrites dans un modèle linéaire, qui consomme des ressources matérielles, naturelles, ainsi que des ressources humaines, l’énergie physique et mentale des femmes et des hommes qui pilotent et opèrent ces organisations. Depuis plusieurs décennies, cette consommation dépasse largement les capacités de la planète à les reconstituer, et souvent dépasse aussi les capacités de l’homme à les maîtriser. Pour répondre à cette sur-consommation, une première réponse, nécessaire quoique non suffisante, est d’ajuster au plus près les consommations aux besoins.
Si l’on s’intéresse aux process, il est évident que le Lean, dont le but principal est d’éviter le gaspillage, est fondamentalement une démarche contribuant à davantage de sobriété. La qualité industrielle qui minimise le rebut, optimise les stocks et ajuste la production génère des gains économiques pour l’entreprise, tout en réduisant les besoins en ressources. La large diffusion des méthodes de Lean production et de Lean management a contribué à cette optimisation.
Le succès des approches Qualité normatives orientées sur les produits, touchant par exemple dans l’agroalimentaire aux caractéristiques sanitaires, nutritionnelles, s’étend peu à peu à des problématiques plus larges telles que la contribution environnementale (performance énergétique, agriculture raisonnée, bien-être animal) ou sociétale (labellisation des activités appartenant à l’économie sociale et solidaire). C’est là une continuation d’un mouvement efficace de normalisation, amené par les démarches Qualité dans de nombreux secteurs.
Du point de vue des méthodes, l’ouverture des Balanced Scorecards à des critères de pilotage extra-financiers soutient aussi une redirection des modes de fonctionnement. Et le principe même de l’amélioration continue invite à ne jamais cesser le questionnement et la remise en cause. L’urgence écologique renforce de nombreuses exigences, les démarches de la Qualité doivent aider à y répondre.
La diffusion de ces démarches ces dix dernières années constitue indéniablement un socle méthodologique solide sur lequel appuyer la redirection écologique.

Comment voyez-vous la Qualité dans dix ans ? Quels rêves formulez-vous pour la Qualité ?
Il semble incontournable que les démarches Qualité dans l’entreprise poursuivent leur rapprochement du pilotage de la RSE. Qualité et RSE s’alimentent puissamment l’une l’autre. La Qualité embarquera l’ensemble des critères ESG (Environnement, Sociétal, Gouvernance) - le plus tôt sera le mieux ! Elle pourra se structurer autour de la taxonomie en cours de définition, au niveau européen, pour identifier, qualifier et quantifier les impacts d’une activité sur l’environnement et la société.
Les démarches Lean ont en théorie pour règle de viser une qualité sur le long terme, serait-ce au détriment de bénéfices immédiats. Une philosophie 100 % compatible avec des objectifs de durabi-lité ! Mais aujourd’hui rarement encore adoptée avec suffisamment de sincérité par des acteurs économiques qui suscitent le plus souvent le doute, la défiance.
C’est au dirigeant de définir la raison d’être de son entreprise, en tenant compte des limites planétaires, et, plus près de lui, en tenant compte aussi des aspirations de l’ensemble de ses parties prenantes, clients, salariés, territoire, organisations publiques.  Certaines organisations montrent la voie. La loi Pacte propose à l’entreprise de s’inscrire dans une autre forme de capitalisme, dont le seul but n’est pas le profit et la rémunération du capital. A la fin de l’année 2021, l’Observatoire des Sociétés à Mission recense plus de 400 entreprises de toutes tailles, qui se sont dotées d’une mission inscrite dans leurs statuts, d’objectifs précis à atteindre, et d’outils de pilotage et de gouvernance pour les guider sur ce chemin.
Les outils éprouvés de la Qualité sont là pour accélérer ce mouvement de transformation, fondamental et nécessaire.

 

Témoignage extrait de la Revue Echanges n°50
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