Témoin de la Qualité : Fabrice BONNIFET
Fabrice BONNIFET est Directeur Développement Durable & Qualité, Sécurité, Environnement du Groupe Bouygues. Il a accepté de répondre à nos questions sur la Qualité, sa vision, son expérience…
Quels sont pour vous les principales évolutions ou évènements qui ont marqué la Qualité et les démarches de progrès ces quinze dernières années ?
La dynamique de promotion des démarches formelles d’amélioration continue a, hélas, peu progressé en quinze ans. Les coûts de non-qualité et de sur-qualité sont très peu suivis dans les entreprises, mais si on regarde le volume des déchets, l’augmentation des contentieux BtoB et BtoC, la stagnation des accidents du travail, les données inhérentes à la santé mentale, le suivi des baromètres de satisfaction clients et les émissions de CO2 dans tous les secteurs, nous nous apercevons vite que les démarches de progrès ont encore des preuves d’efficacité à fournir. Certes, dans l’industrie les démarches de progrès fonctionnent un peu mieux que dans les autres secteurs car les risques sont tels que les méthodes associées et notamment le Lean s’imposent d’elles-mêmes. Ce qui est étonnant c’est que les causes primaires qui expliquent le faible déploiement et la mauvaise performance des démarches de progrès sont toujours les mêmes depuis bien plus de quinze ans : l’absence de culture Qualité des dirigeants qui ont des profils plutôt gestionnaires, le manque de formation aux outils et méthodes dans l’enseignement supérieur et l’incompréhension des tenants et aboutissants du management par la confiance.
Qu’est-ce qui a changé dans votre métier de qualiticien ces quinze dernières années ?
Nous sommes toujours les garants de la conformité aux règles, aux processus et de l’enregistrement des démarches Qualité, Sécurité et Environnement par les tiers de confiance, mais ce qui a changé c’est la survenue des questions RSE dans les entreprises. Désormais la prise de conscience de la nécessité de protéger l’environnement va bien au-delà de la simple mise en œuvre d’un système de management dédié et du fait d’assurer le respect des exigences spécifiées réglementaires. Les entreprises doivent faire évoluer leur modèle économique pour ne créer que de l’impact positif et donc éliminer toutes les formes de pollutions diffuses autrefois tolérées au nom de la performance financière. Intégrer la RSE transformatrice au cœur de la stratégie des entreprises est peut-être ce qui va redonner un attrait pour les démarches d’amélioration continue ? En effet, un but sans méthode étant un non-sens, éliminer les externalités négatives associées aux processus de conception et de production ne pourra se faire sans la participation des collaborateurs et sans méthodes formelles d’optimisation. La Qualité ce n’est plus seulement satisfaire le client en restant profitable, c’est aussi maintenir en bon état les écosystèmes naturels pour rester vivant !
Qu’évoque pour vous la Nouvelle Qualité, qui rappelons-le se veut globale, pragmatique, innovante et participative ?
Depuis trente ans, j’entends régulièrement l’émergence d’une nouvelle sémantique concernant la Qualité mais en réalité cette dernière restera un ratio signifiant un niveau de satisfaction perçue sur un sacrifice consenti. Pour toute entreprise, tant qu’il y a des clients qui acceptent de payer le juste prix pour une solution, la pérennité est envisageable. La différence avec le monde d’avant c’est qu’aujourd’hui l’environnement et le social ne peuvent plus être la variable d’ajustement de la profitabilité, c’est peut-être cela la Nouvelle Qualité ?
Comment voyez-vous la Qualité dans dix ans ? Quels rêves formulez-vous pour la Qualité ?
Je rêve que la culture de la Qualité soit enseignée dans les écoles, car nous savons qu’atteindre l’excellence requiert bien plus que du bon sens ! Nous devons aussi donner envie aux collaborateurs de faire progresser leur entreprise. Pour cela il convient de faire émerger un nouveau leadership « egoless » dont les fondamentaux sont la confiance et le respect, puis considérer l’amélioration continue comme un jeu, un défi, un challenge ludique dans lequel les collaborateurs prendront plaisir à toujours vouloir faire mieux pour le client et la planète.
Témoignage extrait de la Revue Echanges n°50.
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