Témoin de la Qualité : Marie-Claude LARGENTON-DONADIEU & Bruno LANCEMENT

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Vendredi 13 mai 2022

Marie-Claude LARGENTON-DONADIEU, Responsable Risk Management et membre de Concordance, et Bruno LANCEMENT, Coordinateur QSE et associé fondateur de Concordance. Ils ont accepté de répondre à nos questions sur la Qualité, sa vision, son expérience…

France Qualité : Quels sont pour vous les principales évolutions ou évènements qui ont marqué la Qualité et les démarches de progrès ces quinze dernières années ?
Marie-Claude LARGENTON-DONADIEU : Durant ces quinze dernières années, la Qualité est passée d’une démarche d’experts sollicités a postériori des décisions managériales, à une réflexion partagée par les acteurs concernés avant la prise de décision et la mise en œuvre opérationnelle. L’utilisation d’indicateurs de maîtrise et de performance est systématisée pour évaluer l’efficacité des actions engagées. Les normes se sont progressivement structurées sur un  même modèle, ce qui facilite leur compréhension transverse et la maîtrise des risques est désormais intégrée dans les normes et constitue un pilier incontournable de la gestion stratégique de l’entreprise, en particulier dans les projets de changement.

Bruno LANCEMENT : Depuis mon premier contact avec la Qualité il y a environ quinze ans, j’ai l’impression qu’elle a vécu des transformations profondes. Après un pic de maturité avec une dominante sur la qualité produit, l’aspect managérial, bien qu’inscrit dans son objet dès l’origine, a été davantage pris en considération.
Petit à petit, il me semble que nous retrouvons les idées qui sous-tendent ce domaine depuis l’origine. En intégrant la qualité relationnelle, nous nous en rapprochons encore davantage. Ceux qui ont suivi Deming ont trouvé des bénéfices avec le System Of Profound Knowledge. Difficile à envisager pour ceux qui l’ont juste réduit à un PDCA.

Si la Qualité est votre quotidien, qu’est-ce qui a changé dans votre métier de qualiticien ces quinze dernières années ?
MCLD : Le professionnalisme du métier de qualiticien s’est renforcé et ses domaines d’action se sont étendus. Désormais, un expert en Santé Sécurité du Travail est aussi fréquemment un référent en matière d’Environnement voire de Sûreté. Il accompagne les managers au quotidien et leur permet, grâce aux démarches Qualité, d’avoir une vision globale des risques et des écarts et d’apporter les ajustements nécessaires pour atteindre l’objectif de qualité recherché. Le soutien du qualiticien au manager est essentiel, notamment dans un contexte de pression temporelle.

BL : La maturité en termes de standardisation et de produit, on peut la voir par exemple dans le succès de Dacia, symbole d’une autre qualité qui s’est mise en place ces quinze dernières années et s’inscrit exactement dans cette temporalité. En proposant des produits uniquement centrés sur le besoin client de se rendre d’un point à un autre sans aucun autre attrait pour l’objet que cette fonction d’usage, la marque s’est taillée une place dans un marché quasi impénétrable. En embrassant complètement le fait de ne répondre qu’à un rôle de commodité.
Sur l’aspect managérial, l’un des enjeux forts a été à mon avis l’entrée sur le marché d’une génération n’ayant pas fait son service militaire, et du coup n’ayant pas vécu cette expérience de cohésion à l’échelle de classes sociales variées, c’est probablement un des évènements qui ont renforcé une approche plus cloisonnée, et une moindre conscience de la nécessité de prendre en compte toutes les parties prenantes dans tous les aspects du fonctionnement de nos organismes. Et sur ce point une certaine vision de la Qualité n’a pas aidé. La réduire dans certains cas au silo certificateur a pu freiner l’obtention de ses bénéfices variés.

Qu’évoque pour vous la Nouvelle Qualité, qui rappelons-le se veut globale, pragmatique, innovante et participative ?
MCLD : Le déploiement de la Culture Qualité aux différents niveaux et secteurs de l’entreprise et la nécessaire implication de tous, conduisent à envisager la Qualité de façon globale et participative … « nous sommes tous acteurs de la Qualité ». La Qualité doit se décliner au plus près du terrain et les opérateurs sont les mieux placés pour proposer des solutions pragmatiques, simples et efficaces ! De même, l’entreprise se doit de rechercher des solutions innovantes en partageant les bonnes pratiques, en réalisant des benchmarks auprès d’entreprises similaires ayant la même activité et en participant aux forums métiers pour suivre les évolutions technologiques.                                                                                               

BL : A mon sens, la Nouvelle Qualité est celle qui après cinquante ans démontre qu’elle a raison, qu’elle est efficace, sait s’effacer pour enfin s’intégrer à tous les niveaux, s’intriquer en profondeur dans le fonctionnement des organismes pour quitter ce rôle de vigile du dysfonctionnement et devenir le moteur d’un fonctionnement plus fluide et souple. Occuper une place plus étendue et jouer un rôle plus large. Créer du liant entre les hommes, les processus et les outils. Cette Nouvelle Qualité doit s’appuyer sur l’existant, ne pas cautionner les discours affirmant qu’on s’est enfoncés dans « l’image de la Quali-
té », mais bien admettre que ces fondations ne sont que des bases et que le vrai travail commence enfin. Nous avons créé le contexte nécessaire pour transmettre une vision au travers des produits, à nous d’accepter de faire les efforts qui s’imposent. Mais surtout de repousser nos limites et d’accepter de nous réinventer au profit de cette évolution utile et pérenne.

Comment voyez-vous la Qualité dans dix ans ? Quels rêves formulez-vous pour la Qualité ?
MCLD : Les nouvelles technologies, les nouveaux comportements dans l’entreprise, vont provoquer l’explosion de la quantité des données collectées. L’enjeu ne sera plus de réaliser des mesures mais de déterminer celles qui seront les plus pertinentes pour la Qualité. La nature des données structurées ou non va conduire à la définition de nouveaux modes de traitement de ces données dans une recherche de fiabilisation et de simplification. Cela sera peut-être le principal défi des dix prochaines années. Le rêve que l’on peut formuler pour la Qualité serait d’obtenir une intégration complète, facilitée par de nouveaux moyens technologiques au service de la stratégie de l’entreprise et de son déploiement.

BL : Dans dix ans le rêve serait qu’on ait oublié qu’un jour on parlait de Qualité pour désigner ces gens bizarres sur le bureau desquels on déposait les problèmes qu’on voulait voir disparaître du nôtre. Qu’on ait même totalement partagé la fonction qualité, et que notre objet, et nos prérogatives soient devenus ceux de tous. Que tous, quel que soit l’organisme, trouvent normal de considérer que leur travail est de permettre à l’opérationnel de transformer la vision en produit au bénéfice de tous et en particulier du client. Que la direction porte cette vision et alloue les moyens. Alors nous pourrons dire que nous avons enfin appris à travailler et à vivre ensemble plutôt que côte à côte.

 

Témoignage extrait de la Revue Echanges n°50
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