Témoin de la Qualité : Maysa HABELRIH

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Mercredi 04 mai 2022

Maysa HABELRIH est Présidente-directrice générale du Mouvement québécois de la qualité. Elle a accepté de répondre à nos questions sur la Qualité, sa vision, son expérience…

France Qualité : Quels sont pour vous les principales évolutions ou évènements qui ont marqué la Qualité et les démarches de progrès ces quinze dernières années ?
Au Québec comme dans le reste du monde, la Qualité a pris naissance avec l’application de normes classiques (ISO) pour déboucher progressivement sur des méthodes agiles et le Lean Six sigma. L’attention était accordée à la chaîne de valeur et à la chaîne d’approvisionnement.
La croissance exponentielle des capacités de traitement des machines a engendré l’arrivée du Big Data. C’est le grand point tournant de la dernière décennie. L’apparition de ces mégadonnées a donné naissance à une nouvelle nécessité : quelle stratégie se donner pour maîtriser la transformation numérique ?
La réponse du Mouvement québécois de la qualité a été vigoureuse (voir la question suivante).
Pour accompagner cette évolution, le Mouvement québécois de la qualité aide depuis plus de quinze ans ses membres à partager leurs connaissances à travers les Réseaux performance (2006), qui ont connu une ampleur grandissante. Entre 2006 et 2021, le nombre de réseaux ainsi formés est passé de cinq à plus de vingt-cinq. Ce sont plus de 350 gestionnaires et dirigeants, spécialisés en excellence et performance organisationnelle, qui participent en toute confiance à ces communautés de pratiques et de codéveloppement.
En parallèle, le Salon sur les meilleures pratiques d’affaires réunit chaque année plus de 3 000 représentants d’organisations. Une quarantaine d’équipes provenant de tous les milieux économiques viennent y présenter leurs projets d’amélioration et d’innovation, avec les résultats obtenus.

Qu’est-ce qui a changé dans votre métier de qualiticien ces quinze dernières années ?
Le profil de carrière du qualiticien « traditionnel », basé sur les compétences de savoir-faire, consiste à maîtriser les aspects techniques reliés au rôle qualité et à accompagner l’organisation dans l’apprentissage d’outils.
À cela vient s’ajouter un autre jeu de compétences, entièrement différent, et relié au savoir-être : maîtriser toutes les facettes du bon gestionnaire de demain en vue d’adopter un rôle résolument stratégique. De spécialiste qu’il était, le qualiticien est en voie de devenir un agent de changement rassembleur.
En parallèle, les immenses possibilités offertes par les mégadonnées, l’automatisation avancée et l’intelligence artificielle ont permis aux entreprises de production, pour ne prendre que cet exemple, de repousser encore plus loin les limites de ce qu’elles peuvent accomplir. Et les leçons apprises en ce domaine sont susceptibles de profiter grandement aux organismes publics et aux entreprises de service.
Dans ce contexte, un professionnel en stratégie Qualité doublé d’un profil d’expert en science des données (data scientist) sera un atout inestimable pour une organisation. Cette personne pourra mettre à profit tout ce qui sera généré en temps réel par les processus afin de les optimiser et de propulser l’organisation vers de plus hauts sommets de performance.
C’est pourquoi le Mouvement québécois de la qualité a non seulement produit à l’intention des qualiticiens un guide traitant spécifiquement du rôle de ce dernier dans la transformation numérique, mais il a également conçu un programme complet et inédit donnant lieu à une certification numérique : réflexion stratégique et cocréation dans l’écosystème numérique, littératie des données, technologies phares d’aujourd’hui et de demain, gestion agile des projets numériques, l’humain au cœur de la transformation numérique.

Qu’évoque pour vous la Nouvelle Qualité, qui rappelons-le se veut globale, pragmatique, innovante et participative ?
La Nouvelle Qualité est englobante, car elle prend en compte toutes les facettes de la gestion d’une organisation. La main-d’œuvre est en pleine évolution pour s’adapter à l’industrie 4.0 et le développement des compétences du stratège qualité devient un aspect indéniablement essentiel pour la profession.
La Nouvelle Qualité est pragmatique, car toute organisation doit d’abord connaître ses forces tout autant que ses opportunités d’amélioration. L’idée est de savoir où l’on se situe pour ensuite faire un choix stratégique des actions à entreprendre. En faisant appel à des outils tels que le QUALImètre, la direction pose un diagnostic clair et précis de son organisation.
La Nouvelle Qualité est innovante, car, par sa nature-même, elle s’appuie sur un modèle d’excellence évolutif. Le QUALImètre utilisé par le Mouvement québécois de la qualité et basé sur le Malcom Baldrige et l’EFQM® s’adaptera aussi à tous les changements. Il faudra dorénavant considérer la raison d’être-même de l’organisation : en quoi ce qu’elle fait est-il important ? Quelle responsabilité se reconnaît-elle dans l’écosystème où elle évolue ?
La Nouvelle Qualité est participative, car les parties prenantes prendront beaucoup plus de place qu’auparavant. En plus de maintenir des relations durables avec elles, l’organisation devra solliciter activement leur avis. L’utilisation des données et des moyens de les exploiter efficacement (intelligence artificielle, modèles prédictifs, etc.) sera maintenant explicitée.

Comment voyez-vous la Qualité dans dix ans ? Quels rêves formulez-vous pour la Qualité ?
« Être préparé, c’est l’être à tout. »
Il faut s’attendre à ce que les instructions de travail, les audits, les contrôles qualité, tout cela soit géré par des machines à paramétrer et des systèmes à configurer. À mesure que les tâches répétitives seront éliminées par l’automatisation ou l’intelligence artificielle, on pourra mettre l’accent sur la prévention au moyen d’applications et d’objets interconnectés.
Imaginons qu’en 2030, l’entreprise devra non seulement cocréer son produit ou service avec son client, mais que c’est ce dernier qui assumera la propriété entière de ce qu’il se procure ! Savoir évoluer dans un univers interconnecté et sans cesse paramétré, s’appuyer sur des principes basés sur un fonctionnement agile : autant de nouvelles compétences à maîtriser. Le qualiticien est appelé à un avenir passionnant ! Il sera au centre du dialogue entre son organisation et ses clients. Pour bien accomplir sa tâche, il devra maîtriser parfaitement les outils numériques, les objets connectés, l’agilité et la connaissance des réseaux sociaux.

 

Témoignage extrait de la Revue Echanges n°50
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