Les entreprises « responsables » ne sont pas philanthropes !

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Mardi 04 août 2015

Par Nicole GOINEAU, Responsable Développement Durable Air France Industries, pour la revue Echanges n°27.
Membre de la Commission Nationale DDRS ISO 26000 AFNOR :
Co-présidente avec François SIBILLE (AFNOR) du Groupe de Travail « Guide d’intégration des lignes directrices de l’ISO 26000 dans le système de management de l’organisation* ».

Quand vous évoquez le thème du développement durable (DD) avec un chef d’entreprise ou un de ses dirigeants, dans la plupart des cas, il sourit car ce n’est pas du « business », c’est de la philanthropie ! Puis, très souvent, il l’associe à l’environnement et à l’écologie. Mais quand vous commencez à parler du développement de ses nouveaux produits éco-conçus ou non, d’économies que pourrait générer le recyclage des déchets de son activité, la maîtrise de sa facture énergétique, ou encore le développement des compétences de ses salariés, leur formation, la santé-sécurité sur leur lieu de travail… mais surtout la satisfaction de ses clients, alors la considération du Développement Durable n’est plus la même, elle fusionne avec « son business ».

Son intérêt accru, son écoute plus attentive, il se pose une série de questions : qu’en est-il dans mon entreprise ? Quelle est la valeur ajoutée que cette démarche pourrait apporter à mon activité ? Quel est notre niveau de relation avec nos clients, nos fournisseurs et nos autres parties prenantes…?

Ainsi, nourri de ses réflexions, il consulte son Directeur Qualité, dans la plupart des cas, afin d’évaluer le niveau de « responsabilité » de son entreprise et quels bénéfices elle en tire aujourd’hui. Puis, quand il prend conscience des évitements de coûts, des économies générées, il va se pencher avec plus d’attention sur les autres domaines du Développement Durable.

Mais quels sont ces domaines ? La norme internationale ISO 26000 a défini les lignes directrices de la Responsabilité Sociétale de l’Entreprise (RSE). Structurée en sept questions centrales, la norme développe les domaines d’action pour chacune d’elles. C’est une vraie check-list !

Comment appréhender une démarche de Développement durable dans mon entreprise ?

La première question à se poser est « quelles sont les domaines d’action que mon entreprise porte déjà au travers des différentes normes qu’elle utilise ». Il y a de fortes probabilités que l’entreprise applique des exigences réglementaires, des décrets (ex : Art 225 du grenelle II), voire des normes comme l’ISO 9001, l’ISO 14001… et les principes de la déclaration des Droits de l’Homme. Ces exigences contribuent toutes à la responsabilité sociétale de l’entreprise (voir exemples : schéma ci-après). En faisant cet exercice, elle va s’apercevoir qu’elle fait du
« DD » sans le savoir et pourra ainsi optimiser la mise en œuvre de sa démarche.

Comment approcher ces domaines d’action de mon activité ?

Il est recommandé d’utiliser une méthode de projet et donc de nommer un chef de projet (souvent originaire des services Qualité, Ressources Humaines, …) qui identifiera les acteurs potentiels de la démarche. Ensemble, ils feront un état des lieux en comparant ces domaines à l’activité de l’entreprise et à son mode de management. Diverses méthodes et outils existent (cf AFNOR) pour mener à bien cette étape importante.
Cet état des lieux mettra en lumière les marges de progrès. L’entreprise n’est pas obligée de mener tout de front, elle choisira de travailler sur tel ou tel domaine d’action selon le rythme de son entreprise, la sensibilité et l’implication de ses salariés sur ces sujets.
Plus la mise en route de la démarche est longue, plus l’entreprise ancrera les bonnes pratiques dans la durée. De plus, nous savons bien que le changement n’est pas toujours facile à mettre en place, donc il nécessitera beaucoup de patience et de pugnacité !

Comment développer les bonnes pratiques et les pérenniser ?

Implanter les bonnes pratiques, par qui, quand et comment mesurer leurs effets… en s’appuyant sur le système de management : l’équipe de projet identifiera les acteurs de la démarche, les processus qui porteront les actions et les parties prenantes avec lesquelles chaque Direction ou Processus est en relation. Chaque Processus ou Direction sélectionnera les domaines d’action qui correspondent à la réalisation de sa mission. Par exemple, le processus « Achats » portera les questions centrales sur la Loyauté des pratiques (Concurrence Loyale, protection intellectuelle…), le développement local en travaillant avec les entreprises du territoire, la gouvernance avec les relations de la partie prenante Fournisseurs, etc… La direction commerciale s’attachera quant à elle aux questions relatives aux consommateurs (satisfaction client, réalisation du contrat, protection des données, …).
Plus légitime sera la question centrale pour le service concerné, plus elle sera portée, développée, intégrée. Chaque processus mesurera l’importance de ses domaines d’action afin de définir leur niveau de priorité et bâtir le plan d’actions à court et moyen termes.

Tout cela pourquoi ?

En faisant une photo de la situation de départ et une à l’arrivée, ou chaque année, avec des indicateurs pertinents et une évaluation financière, on mesurera la valeur ajoutée et le bénéfice économique, social et environnemental. En se basant seulement sur ces résultats tangibles, l’entreprise pourra valoriser sa démarche responsable. Si sa taille ou son chiffre d’affaires l’y contraint, elle les exploitera dans son rapport de données extra-financières. Si elle n’a pas cette obligation, elle est libre de les valoriser dans d’autres supports mais toujours de manière transparente. Pas de « greenwashing », car ce genre de procédé ne peut que nuire à l’image de l’entreprise. Que du concret, du démontrable pour bâtir une notoriété solide basée sur la confiance de ses parties prenantes dans la durée.

Les entreprises dites « responsables » le sont parce qu’elles ne sont pas philanthropes, elles font leur business de manière responsable.

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>> Retrouvez l'intégralité de notre dossier Qualité et RSE sur la Revue Echanges n°27